Le château hier et aujourd’hui

Le château

Le château

Dès 1255 l’importance de LA BATIE-NEUVE va devenir tout à fait considérable puisque son château va devoir participer à la défense du Gapençais. C’est sous l’épiscopat de Guillaume de GIERES (1199-1211) ou sous celui de Guillaume d’ESCLAPON (1219-1235) qu’en est entreprise la construction. Elle se fera en plusieurs phases. Tout d’abord sur un affleurement de terrain jurassique (aujourd’hui en bordure immédiate de la route nationale 94, la surplombant d’environ quatre mètres) on érige au Sud un donjon d’une taille exceptionnelle : plus de dix mètres de diamètre, d’une hauteur de seize mètres. L’intérieur est un plan carré de quatre mètres sur quatre, accessible seulement par une porte située à huit mètres de hauteur, l’épaisseur des murs en cet endroit est de trois mètres alors que du côté opposé à la porte elle n’est que d’un mètre trente. Cette dissymétrie est remarquable car inhabituelle.

Dans des étapes suivantes le château va présenter cette configuration.

1 tour d’angle Nord-ouest<br /> 2 tour d’angle Nord-est<br /> 3 tour d’angle Sud-ouest<br /> 4 tour d’angle Sud-est<br /> 5 donjon<br /> 6 corps du bâtiment.

1 tour d’angle Nord-ouest - 2 tour d’angle Nord-est - 3 tour d’angle Sud-ouest 4 tour d’angle Sud-est - 5 donjon - 6 corps du bâtiment.

C’est l’évêque LAUGIER de SAPOR qui fera construire deux tours et plusieurs pièces disposées dans le bâtiment de trois étages autour d’une cour à enceinte rectangulaire et vers 1491 la description du château fera mention de quatre tours. Son histoire devient alors étroitement liée à l’Histoire, à celle des guerres civiles entre les dauphins, les évêques de GAP et les citoyens de cette ville au cours du XIIIe siècle. Les comtes de Provence et l’évêque avaient des droits souverains égaux sur GAP et sa région. Lorsque le comte céda les siens au Dauphin de Viennois qui devint son vassal, celui-ci ne voulut pas se contenter de ce rôle inférieur. L’évêque Guillaume d’ESCLAPON se sentant menacé en ses possessions entama la lutte contre le Dauphin qui lui reconnut le droit de posséder sa seigneurie en franc-fief (Joseph ROMAN – Histoire de la ville de GAP).

Les bourgeois de GAP obtiennent eux aussi le respect de leurs libertés. Mais tout se compliqua lorsque l’Empereur à qui le Dauphin avait eu recours reçut lui aussi une bulle de privilège. La situation devenait très complexe. En 1349 le Dauphiné passa au Royaume de France, le bailli delphinal s’établit à Gap et y programma avec l’évêque les impositions dont le terroir sera redevable. Vers 1369 les habitants de LA BATIE-NEUVE sont frappés d’une redevance d’un florin par feu, ils protestent de leur impossibilité à régler une telle somme auprès du Pape qui siège en AVIGNON, obtiennent gain de cause et remise de l’impôt. Pendant tout le XIVe siècle le diocèse est le théâtre d’une guerre terrible entre Provence et Dauphiné, Raymond de BEAUFORT vicomte de Turenne ne lui épargne pas les ravages. En 1462 l’Evêque Gaucher de FORCALQUIER fait saisir les récoltes des habitants de son fief de MONTREVIOL près de LA BATIE-NEUVE. Ils en appellent à Jean de MONTORCIER, vice-châtelain du CHAMPSAUR qui avec ses hommes chasse les officiers épiscopaux.
Dès le lendemain la garnison de LA BATIE NEUVE avec Jacques de FORCALQUIER, frère de l’évêque, réinstalle les magistrats de celui-ci.
L’écho de tous ces troubles parvint jusqu’au roi LOUIS XI qui fatigué d’avoir à s’occuper d’une région aussi turbulente, parlementa avec son oncle le roi René pour lui céder la ville de GAP et les bourgades des environs. Un échange intervint en juillet 1463 qui fit naitre de violentes oppositions. Le roi dût reculer sans capituler toutefois : GAP demeura au Dauphin.

Arrivent les guerres d’Italie. De nombreuses troupes passent à LA BATIE-NEUVE avec les rois de France et les plus célèbres capitaines du siècle ! BAYARD, BOURBON, MONTMORENCY, BONNIVET, MONTLUC, Charles VIII en août 1494, Louis XII en juin 1502, François 1er en août 1515. Hélas le château bastidon n’a fait objet d’aucun entretien depuis plus de vingt-cinq ans, pas la moindre réparation à sa toiture ruinée, il se trouve en très mauvais état. Les troupes d’ailleurs ne ménagent rien, ainsi LA BATIE-VIEILLE est totalement détruite en 1548 car ses pauvres habitants n’ont pu subvenir à la nourriture de la soldatesque.
En 1524, François 1er revint dans la région, il est à Chorges le 12 octobre, son expédition est désastreuse. A Pavie, le roi est fait prisonnier. Entre 1515 et 1524, les routes des Alpes demeurèrent encombrées de soudards, de convois, de troupes de renfort allant rejoindre le front, de chars portant les pièces d’artillerie, de tonneaux de poudre. Les fuyards, les éclopés, étaient nombreux, comme les compagnons inséparables des gens de guerre : valets, larrons, filles de joie. Ce long défilé d’hommes n’allait pas sans inconvénients majeurs pour la contrée. En tout temps, le passage des gens de guerre est un fléau, mais à cette époque, où les troupes étaient mal encadrées, peu disciplinées, où le service d’intendance était dérisoire, le désastre était inouï. La troupe vivait sur le pays, les premiers arrivants demandaient des vivres, les payaient parfois, les suivants les arrachaient de force, les derniers ne trouvant plus rien à prendre, tuaient le bétail, mettaient le feu aux maisons. Ce qui fut le cas de La Bâtie-Neuve (Histoire de la Ville de GAP).

En ce même temps, l’évêque Gabriel de CLERMONT (1527-1568) faisait du château sa résidence ordinaire, il y avait des appartements réservés, au deuxième étage près du troisième TINEL (réfectoire), comprenant la chambre haute, dite DOMINI, deux chambres peintes, une galerie et un studio peints à l’ouest, avec un mobilier de bancs, tréteaux, marchepieds en sapin, chaise percée, table, tabourets…
L’inventaire fait en 1491, nous donne, dans un beau désordre, le compte exact des bancs (9), barriques à vinaigre et à huile (4), buffets (3), chalets (7), chaise percée (1), chenêts (2), cloche (1), coffres (4), cuves à vin (23), cuve à viande (1), forme de lit (1), marchepieds (2), nappes d’autel (4), pichets à vin (4), plats (12), pressoir (1), tables (6), tabourets bas (3), tapisseries (2), traversin (1), tréteaux (19), vases récipients (2), vêtements sacerdotaux (5).
Bilan bien modeste qui laisse supposer que les occupants apportaient, en venant séjourner au château, vaisselle, literie, vêtements et tous objets de nécessité et de décoration, et repartaient avec.
Nous devons à Madame Nathalie NICOLAS un remarquable travail sur cet inventaire notarial de 1491, publié dans le BSEHA de 1998.

En 1573 l’évêque Pierre PAPARIN de CHAUMONT (1572-1600) ordonne «de faire un plate forme sur la grande tour du château de LA BATIE NEUVE, qui n’était pas couverte à l’origine pour mettre de l’artillerie, puis faire en cette tour trois planchers, une cheminée, un puits, un four afin d’entreposer vivres et munitions pouvant servir en tout événement lorsque la ville sera forcée ».
L’inventaire de 1491 ne mentionnait en effet ni armes ni équipement de cuisine, ni vaisselle, ni vêtements au château, sauf deux canons à bombarde montés sur châssis de bois. Pourtant en 1461 des troupes y étaient restées casernées pendant huit mois avec l’évêque. Tout semble avoir disparu après leur passage !

Le château antérieur aux guerres de religion a été démoli « ras pied, ras terre », plus rien de la construction du XIIIe siècle et de la Tour du Midi qui faisait office de donjon ne subsiste. C’est probablement Etienne de BONNE qui va le rebâtir après les troubles, lorsqu’il devient acquéreur de la majeure partie de la seigneurie. Le château va alors, outre la Tour du Midi en comprendre deux autres « percées d’archières en forme de croix, dont l’une est un escalier à vis fort élégant». Un bâtiment orné de fenêtres à ressorts, en accolades, en plein cintre, relie les tours. Puis on adjoindra encore deux tours, le monument sera complet et aura la forme d’un quadrilatère. Au dessus de la porte principale un écusson portant les armoiries des DE BONNE est placé «de gueules au lion d’or, au chef cousu d’azur, chargé de trois roses de gueules».

Puis vint la réforme. Le connétable de LESDIGUIERES, après FURMEYER soumet rapidement à la cause protestante le Champsaur, le Gapençais, et l’Embrunais…assiège GAP. LA BATIE NEUVE résiste assez longtemps. En octobre 1575 cependant, elle tombe entre les mains de René de la TOUR, seigneur de GOUVERNET l’un des hommes de cheval les plus habiles de France. Elle tombe grâce à la complicité du gouverneur de GAP qui n’a rien fait pour venir à son secours et plus encore grâce à celle du gouverneur de LA BATIE, Jacques de POLIGNY, protestant lui-même, qui livre le château, l’incendie et passe dans les rangs des Réformés. LESDIGUIERES alors en prend possession, y place ses armoiries.

Musée de Gap : mausolée de LESDIGUIERES

Musée de Gap : mausolée de LESDIGUIERES

Nous connaissons très précisément le déroulement de l’action. En 1574 cent arquebusiers recrutés par l’évêque Pierre PAPARIN de CHAUMONT et sous le commandement du capitaine d’APVRILLI arrivent au château pour en assurer la défense. Vers le début décembre le sieur de MONETIER persuade ce capitaine de la tranquillité de la situation, le fait quitter les lieux avec sa compagnie et installe à sa place un personnage douteux et quelques soldats qui mettent l’édifice à sac « pillant or et argent, vêtements, meubles, titres et documents.» Le seigneur de GORDES, lieutenant du roi est dépêché sur les lieux, par deux fois il ordonne de rendre le château, en vain, le gouverneur de GAP, ainsi qu’il a été dit, ne lui envoie aucun renfort. Le feu est mis à la ville sur l’ordre du Seigneur de POLIGNY. LA BATIE-NEUVE est livrée aux protestants par trahison pour mille huit cent ou deux mille écus. Il avait été dit à l’évêque « que jamais la paix ne se publiera, que son château ne soit mis en terre ». De cette traitrise, le sieur de Monetier Balthazar de COMBOUSIER va devoir rendre compte.
Le 5 novembre 1575 il est poursuivi devant les tribunaux, accusé par l’évêque de lèse-majesté « le sieur de Monetier ayant persuadé l’ennemi de se saisir du château » et pour vol de l’argent et des meubles de celui-ci. L’évêque PAPARIN avait réuni des preuves, fait diligenter une enquête et donné procuration aux consuls de LA BATIE-NEUVE pour pénétrer au château, en ses lieux et place car il était au lit, blessé au genou d’un coup de « pistole ». Ceux-ci constataient le château « dégarni de toutes munitions, argent et vivres, même celles que l’évêque y avait fait mettre peu avant ; les coffres, buffets, cabinets rompus meubles et argent emportés ».

Il faut dire un mot de FURMEYER.
FURMEYER RAMBAUD Antoine, le capitaine FURMEYER, est un valeureux officier des guerres en Piémont sous François 1er et Henri II dans la deuxième moitié du XVIe siècle. A l’appel de son frère, le chanoine Rambaud, exclu du chapitre de GAP pour hérésie, il occupe peu de jours après , au début mai 1562, TALLARD et GAP, ce qui permet à la paroisse protestante de s’organiser. FURMEYER abandonnera ces deux villes, la première en juillet, la seconde en septembre 1562. A cette époque il engagera LESDIGUIERES dans son régiment. En 1563 les états provinciaux des Réformés, réunis à VALENCE lui donnèrent le commandement des troupes pour le Gapençais. Venu de GRENOBLE en février par le Champsaur, il prit ROMETTE par ruse et assiégea GAP où sévit la peste. La paix d’Amboise accordant le libre exercice de la religion protestante met fin aux hostilités, mais FURMEYER fut assassiné en 1564 aux CESARIS hameau de LA BATIE NEUVE. (Georges DIOQUE Dictionnaire biographique des Hautes Alpes).

Le 22 novembre 1575 un homicide est commis dans le château bastidon. Esprit EYMARD, qui avait commandé de mettre le feu à LA BATIE-NEUVE, y est assassiné. Justice immanente ? Le 23 août 1573 mise au rôle d’une somme de 1200 écus à recouvrer en faveur de Monsieur LESDIGUIERES. LA BATIE-NEUVE doit y participer. Les commissaires gapençais déclarent « avoir trouvé une infinité de difficultés à le faire, entre autres l’extrême pauvreté et la misère du peuple, les impôts se trouvant plus élevés que la valeur des biens des habitants, contraints à mendier leur pain ». Les pillages continuent dans la région. En 1577 LESDIGUIERES s’empare de GAP, ses partisans démolissent le palais épiscopal et commettent pendant plus de dix ans de grands dégâts dans la ville et ses environs. En 1586 LA BATIE-NEUVE est reprise pour le Roi par des armées de LA VALETTE et d’EPERNON allant assiéger CHORGES (BSEHA 1906).

A la fin des guerres de religion la ville est vendue pour payer les frais de cette guerre civile. Le château et le terroir sont acquis par Etienne de BONNE en 1594. Il fait réparer le château. A noter qu’il était le chef de la Ligue dans le Gapençais et le cousin de LESDIGUIERES, qu’il suivit dans toutes ses campagnes contre le Duc de SAVOIE. Il était aussi gouverneur de TALLARD, son père Honoré de BONNE seigneur de la ROCHETTE et d’AURIAC avait le 21 octobre 1521 acquis du Dauphin pour 300 écus le fiel de MONTREVIOL. En 1599 Pierre de PAPARIN en visite épiscopale dans son diocèse constate « que partout les églises sont ruinées, que la pauvreté est omniprésente et l’ignorance profonde. » Une épidémie de peste est venue en cette fin de siècle parachever les désastres. Au XVIIe siècle le château de LA BATIE-NEUVE passe successivement, après la mort d’Alexandre de BONNE en 1640 entre les mains de François Roger d’HOSTUN vicomte de TALLARD (1660) et de François de NEUVILLE VILLEROY-. En 1692 le Duc de SAVOIE entre dans GAP après avoir incendié LA BATIE-NEUVE, totalement détruite à l’exception de l’église et de deux maisons. Le Roi promet quatre cent mille livres pour aider aux restaurations dans le Gapençais mais n’en donne qu’une partie. Le petit peuple est désespéré, des soupes sont distribuées journellement ainsi que des habits et des couvertures. En 1693 l’évêque Charles Bénigne HERVE (1692-1706) emprunte pour pouvoir acheter du grain à semer qu’il fait distribuer en son diocèse. Au XVIIIe siècle c’est Mathieu de LOUVAT qui est propriétaire du château de LA BATIE NEUVE pour l’avoir acquis en 1720 des NEUVILLE.
Il est ancien avocat General au Parlement, seigneur de la ROCHETTE et d’AURIAC Le bâtiment passe en 1748 à Catherine de LOUVAT épouse de César d’AGOULT Président au Parlement, et enfin à Hippolyte Auguste VINCELAS d’AGOULT, leur fils, en 1789. Le château est vendu comme bien national par la Révolution.
Le château n’était point le seul bien possédé par le Colonel d’infanterie d’AGOULT.
Il avait aussi à la Bâtie-Neuve le grand Logis, le moulin et trois marais, trois pièces de bois taillis dites : La Tailla, Côte-Rousse et Blache, le domaine de Montreviol, affermé à ROUGNY, le domaine de Saint-Pancrace, affermé à François BOISSET, le domaine des Astiers à Jacques BOREL des Borels, le domaine de Sanque à Pierre ESPITALLIER. Le moulin fut acquis le 9 messidor An IV, pour 1012 livres par les sieurs MEYSSONIER, André EYSSAUTIER , Joseph ROUBAUD-LANGEON, Jean-Joseph DIDIER François DAVIN, Jean ASTIER, Jean-Joseph BERTRAND , Jean-Baptiste ALLARD , Pierre TAIX, Antoine MARTINET et Jean-Etienne ARNAUD (Archives départementales Série Q oct. 91).

Le Château

Le Château

La loi du 28 mars 1793 ayant prononcé la confiscation des biens des émigrés, une estimation est faite dont nous donnons le procès verbal établi en l’an II de la République et les 18 et 19 messidor, par Vincent BELLUE, résidant à Bruine, hameau de la commune de LAYE, âgé d’environ cinquante ans et Gaspard-Joseph DAVIN, âge de vingt-huit ans, commissaires experts, demeurant à la Bâtie-Neuve, nommés par arrêté de l’administration du district de Gap : « En exécution desquels nous nous sommes transportés, accompagnés des officiers municipaux de la Bâtie-Neuve, à une maison appelée le ci-devant château, située dans le village, provenant de l’émigré Hippolyte- Auguste Venceslas AGOULT. Avons jugé qu’ ‘elle n’était point dans le cas d’être divisée et qu’elle devait former un seul lot avec le jardin, l’allée du Parquet et les régales ».
Cette maison est composée :
– Au rez-de-chaussée, d’une grande cuisine qui prend sa porte d’entrée dans le vestibule avec des greniers au fond , belle cave par dessous, et trois pièces qui ont leur entrée dans la cour.
– Le premier étage est composé de trois appartements et un cabinet au fond. Dans ces chambres il y a plusieurs placards en noyer, les vitres des fenêtres sont toutes cassées.
– Le deuxième étage est composé de cinq chambres et un cabinet, dans deux d’entre elles il y a des alcôves au fond, toutes ces chambres ont des planchers en bois, à l’antique. Au dessus de tout cela, il y a un galetas, fort vaste. De cette maison, il y a deux degrés, dont l’un du coté du couchant en moellon piqué, qui est très beau et de l’autre coté, au levant, n’est qu’un escalier dérobé .
– Le toit est en ardoise qui est en partie pourrie, ainsi que la charpente. En général cette maison est en mauvais état et fort dégradée.
– Les meubles qui s’y trouvaient, ont été vendus par l’administrateur du district. Il y a à coté et au couchant de ladite maison, un corps de masure qui n’est point couvert et prêt à s’écrouler.
– La cour qui est au devant, coté midi, est fort vaste et entourée de murs élevés qui sont très décrépis. Il y a un puits au milieu. La porte de la cour est couverte en ardoise et il y a des meurtrières qui la rendent forte. Aux angles de la maison, il y a quatre tours dont l’une, surtout, est très forte et deux n’ont point de toit. A un bout de la cour, il y a un colombier sans pigeon et au dessous des greniers pour le blé ; au milieu de la cour se trouve le jardin qui est très vaste, planté en espaliers et arbres nains, mais le tout est fort négligé et dans la plus grande aridité, attendu qu’il n’y a point d’eau. Le tout a pour confins, au levant un chemin, au midi une place publique, au couchant la cour du grand logis, et au nord, l’allée dite du Parquet. Le tout contient 664 toises. Au nord de ladite maison, il y a une allée appelée le Parquet, dont elle est séparée par un chemin et un cloaque, elle est plantée de peupliers fort vieux, chemin et pièce du Parquet contiennent 200 toises.
Peu de valeur, attendu que tout est en mauvais état et situé dans un quartier isolé où il n’y a aucun commerce. Valeur vénale 1500 livres.

Ont signé EYSSAUTIER, Maire, BELLUE, DAVIN et DURAND officier communal.

L’inventaire en a été établit par Gaspard-Joseph DAVIN le 9 janvier 1793. Ce notaire a été successivement commissaire du Directoire exécutif de la Bâtie-Neuve, maire de cette commune, conseiller d’arrondissement du canton de 1813 à 1833, puis conseiller général des Hautes-Alpes (Georges Dioque- Dict.biblio. des Hautes-Alpes).
Le 4 messidor an IV, Jean-Etienne ARNAUD, cultivateur à la Bâtie Neuve, se porte aussi acquéreur du château, pour le prix de 1242 livres. Entre cette date et 1813, le bâtiment va être loti.

Au début du XXe siècle, la division de château est la suivante :
A – Maison d’école des filles – Bien communal
B – Maison GUIRAMAND Edouard
C – Maison BELLOT, veuve GRADUEL pour le rez-de-chaussée
Maison JOUGLARD, notaire à Gap, pour l’étage supérieur
D – Maison JOUGLARD, notaire à Gap

Matrice cadastrale du Château

Matrice cadastrale du Château

L’entretien du château, par les propriétaires privés, n’est pas réalisé. La commune s’inquiète des risques encourus par l’école. Le 24 février 1897, l’agent-voyer GARNIER, commis, rapporte que la parcelle D est écroulée : la chute du mur de façade a entraîné une partie de l’escalier de l’ancien château et déplacé la stabilité du restant, lequel menaçant ruine, est appelé à subir le même sort. Dans ces conditions, l’effondrement aurait lieu dans l’intérieur du bâtiment, mais il pourrait arriver que les éclats produits par la chute soient projetés dans la cour. On peut faire disparaître tout danger par la démolition des parties intérieures vétustes, ou bien en isolant cette partie de bâtiment au moyen de la construction, d’un mur de clôture dans la cour, dans lequel serait aménagé un passage à l’usage de la servitude du bâtiment C.

En dehors de ce qui précède, nous avons constaté que la tour au sud-est, appartenant à M.BELLLOT, rend l’accès de la cour dangereux par suite du mauvais état des maçonneries qui dominent le passage fréquenté par les enfants pour se rendre à l’école.
Malgré qu’il n’existe aucun manquant, nous avons constaté également que la génoise du bâtiment B, propriété de M.GUIRAMAND, tend à devenir une cause accidentelle à défaut d’entretien.

A la suite de quoi, le 22 mars 1897, le Préfet adresse au Maire de la Bâtie-Neuve la lettre suivante :
« M. L’Inspecteur d’Académie, à qui j’ai soumis le rapport, conclut son adoption surtout en ce qui concerne la construction d’un mur ou d’un barrière d’isolement, car malgré la surveillance incessante de la maîtresse, pendant les récréations, les élèves pourraient être entraînés par l’ardeur du jeu dans la zone dangereuse. D’autre part, il est indispensable que des réparations soient faites à la tour G., appartenant à M.BELLOT, dont le mauvais état des maçonneries rend l’accès de la cour dangereux, ainsi qu’au bâtiment B- , propriété GUIRAMAND, dont la génoise tend aussi à devenir une cause d’accident par défaut d’entretien .
Je vous prie de soumettre cette affaire au Conseil Municipal en l’invitant à prendre d’urgence une décision »
.

Il est répondu, par le Maire de La Bâtie-Neuve le 25 mai 1897 :
« Le Conseil serait d’avis de faire les constructions relatées, malheureusement M.GUIRAMAND s’oppose formellement à ce que la cour soit divisée par un mur ou une barrière d’isolement et nous n’avons pas pu le faire changer dans sa détermination. Cependant dans le but d’éviter un procès, je vous serais très obligé de désigner un expert pour étudier s’il n’y aurait pas possibilité d’assurer la sécurité des élèves par d’autres moyens, par exemple en faisant abattre les pans de mur qui menacent de tomber. Ce ne serait pas un travail bien important et nous n’aurions à nous entendre qu’avec M. JOUGLARD, propriétaire de la partie qui s’est écroulée ».

Le 3 octobre 1897, nouveau rapport dressé par l’agent-voyer cantonal :
« Il nous a paru possible de concilier la sécurité des élèves avec les exigences de M.GUIRAMAND, par le moyen suivant : une barrière devra être établie qui défendra l’accès des ruines (croquis du panneau de barrière, détail estimatif des travaux 100 francs). De plus pour éviter les projections qui pourraient se produire par suite d’un écroulement, il devra être procédé à un écrêtement de la partie haute des ruines, ainsi que de l’angle nord de l’immeuble G- M.JOUGLARD, propriétaire, a donné en ce qui le concerne, l’autorisation d’effectuer telles réparations que la commune jugera nécessaires. M.GUIRAMAND ne peut se prétendre lésé par l’exécution des mesures proposées ».

Le Château en 1936

Le Château en 1936

La dégradation de l’ensemble du château se poursuit, le 14 septembre, le Préfet des Hautes-Alpes écrit au Maire de la Bâtie-Neuve, pour lui faire part d’une pétition de 22 habitants de la commune, étonnés que rien n’ait été fait pour éviter de sérieux accidents, des pierres se détachant continuellement de l’édifice, et le met en demeure de procéder, sous huitaine, aux réparations ou à la démolition.
Le 22 septembre, les différents propriétaires sont mis en demeure de faire connaître leurs intentions, au 20 décembre 1903, il n’y a toujours rien de fait, la Mairie étant hors de cause, sa partie personnelle étant parfaitement entretenue. Elle décide d’ailleurs de transporter l’école communale hors du château. Le 28 septembre 1905 en débutent les travaux d’édification sur le Serre. Nous en reparlerons.
Le 5 mai 1931, Georges de MANTEYER, archiviste à Gap, rédigea une brève notice en vue du classement des châteaux de la Bâtie-Neuve et de la Bâtie-Vieille. «Il y aurait urgence à proposer le classement par l’Administration des Beaux-Arts, des deux donjons, voisins l’un de l’autre, qui par leur tracé respectif, représentent deux étapes très nettes de l’architecture militaire dans les Hautes-Alpes, le premier pour la fin du XIIe siècle, le second pour le début du XIIIe siècle. Celui de la Bâtie-Vieille est constitué par un saillant semi-circulaire qui épaule une face intérieure rectangulaire, celui de la Bâtie-Neuve est constitué par un éperon saillant angulaire qui épaule une forte tour circulaire. La Bâtie-Vieille est postérieure à 1184. La Bâtie-Neuve est antérieure à 1225. Le donjon de la Bâtie-Vieille est semble-t-il, une propriété communale. Quant au site de la Bâtie-Neuve, le donjon appartient aux héritiers de M. Louis BERTRAND, notaire, la tour septentrionale appartient à la commune qui aurait manifesté son intention de la détruire, la tour méridionale appartient aux héritiers de Mme Veuve BELLOT, qui sont également sur le point de la vendre.
On joint, à titre d’information, deux photographies de l’ensemble de la Bâtie-Neuve. Le classement proposé est des plus désirables »
.
Cette note fut transmise à M. Maurice PETSCHE, député des Hautes-Alpes et Sous-secrétaire d’état aux Beaux-Arts, qui le 31 août 1931, répondit : «Vous avez bien voulu appeler mon attention sur l’intérêt qu’il y aurait à classer, parmi les monuments historiques, le château de la Bâtie-Neuve dont la démolition aurait été envisagée par la Commune. Je m’empresse de vous faire savoir que je mets cette question à l’étude pour être soumise ensuite à la Commission des Monuments historiques. Je souhaite vivement que l’avis de cette assemblée me permette de répondre à votre désir ».

Des architectes parisiens vinrent sur les lieux mais ces hommes de l’art émirent un avis défavorable. Dans la nuit du 27 au 28 mai 1951, le donjon s’effondrait, écrasant une maison voisine et ses deux occupants, détériorant gravement les immeubles alentour. Devant la menace d’effondrements nouveaux, le Maire de la Bâtie-Neuve demanda aux copropriétaires MM ACHARD, GELPY, les héritiers AYE, EPERONNAT et le Docteur MAYOLI, d’examiner en urgence les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique. Par arrêté municipal, le Dr MAYOLI, propriétaire du donjon effondré, fut sommé de commencer dans un délai de trois jours, la démolition du reste de l’ouvrage. Par lettre du 5 juin 1951, il fit des réserves sur l’étendue de sa responsabilité et se déclara dans l’impossibilité de commencer, dans un délai aussi court, les travaux prescrits. Trois experts furent désignés par le Conseil de Préfecture à l’effet de rechercher les causes exactes de l’accident intervenu. Ils concluaient que les causes inhérentes au donjon paraissaient prédominantes :
– absence d’encastrement des fondations dans le rocher
– nature de ce rocher
– absence de couverture du donjon
– action directe de la pluie qui frappait de plein fouet le substratum, sous la maçonnerie
– le temps
– l’abondance des pluies en l’année 1951

Maison écrasée par l’effondrement de la Tour (1951)

Maison écrasée par l’effondrement de la Tour (1951)

Pour ces diverses raisons, il serait injuste de faire supporter au seul propriétaire actuel, le défaut de fondation, l’action du temps et des intempéries qui s’est échelonné sur plusieurs générations. On peut même porter à son actif quelques travaux conservatoires effectués en 1936. Enfin une consolidation importante aurait probablement dépassé les possibilités financières d’un particulier et aurait constitué un geste de mécène, protecteur de ruines historiques. On peut donc regretter le retard apporté par les Beaux-Arts, dans le classement de ces vestiges et d’envisager si l’Etat ne peut pas compenser sa carence, en considérant l’accident comme étant une calamité publique
L’ensemble divisé du château correspond à une copropriété, les fautes ou les négligences des uns et des autres se sont superposées, sans songer qu’un immeuble vieux de sept siècles, pourrait s’effondrer.
(Documents extraits des archives familiales de M. Joseph Escallier, notaire à la Bâtie-Neuve)

La démolition totale du château fut envisagée, seule une tour qui présentait des garanties de solidité fut conservée. Aujourd’hui elle sert de salles des fêtes. L’esplanade fut aménagée et paysagée pour la mettre en valeur et en assurer un accès commode. Le reste a disparu intégralement.

Le Château à sa destruction en 1951

Le Château à sa destruction en 1951

Le Château aujourd’hui

Le Château aujourd’hui


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