Le veau d’or des Auches et son dolmen

Pour ne pas abandonner les bêtes légendaires, il faut dire ici quelques mots du Veau d’or des Auches.
Il descend de PIOLIT et du SAPET, un torrent jadis furieux appelé le BIARRAS. Ce torrent avait recouvert de limons et de cailloux le quartier des AUCHES, devenu grâce au défrichement lent et patient des habitants, l’un des plus fertiles de la commune. Les très nombreux clapiers ainsi formés sont les témoignages visibles de ce travail considérable.

La tradition veut, que sous l’un d’eux, le seigneur de l’époque ait caché un veau d’or… peut-être au moment de la Révolution. Or peu de temps avant la guerre de 39-40, une entreprise de concassage de pierres acheta les clapiers des Auches. Au cours de l’exploitation, elle mit à jour, sous le plus volumineux d’entre eux, non pas le trésor espéré, mais une grande dalle de pierre recouvrant un squelette humain, une tombe préhistorique en forme de dolmen. A l’étude du mobilier disposé dans la sépulture, on a pu penser qu’elle datait de l’Age du Fer. Il se composait d’une pendeloque semi-funéraire placée sous la mâchoire du gisant, d’un coutelas à deux lames, d’armes en silex, d’un poignard de pierre grise, de pointes de lances.
Le gisant était un homme de grande taille, un chef sans doute, à qui l’on pouvait donner cinquante ans, portant encore quatre dents en bon état. Le chef était entouré d’un grand nombre de guerriers disposés en arc de cercle, « émouvante garde d’honneur » de leur prince.
Cette découverte de l’entrepreneur CHIENNO fut signalée dans un article du Petit Dauphinois du 24 septembre 1938 sous la signature de R. L. LACHAT. Mais tous les objets et mobiliers furent rapidement dispersés et ne permirent pas à Georges de MANTEYER d’étudier ce site, comme il le fît pour celui de CHAVIGNERES. Il aurait pu en faire effectuer le classement.

Les imaginations brodèrent sur cette découverte : le journaliste nous dit :
« une dernière surprise nous était réservée sur les surfaces supérieures, nos regards se portent sur de larges fragments d’os lourds et durs. Nous les examinions attentivement lorsque l’archiviste départemental exhuma toute une portée très nette de défenses d’éléphants… Les éléphants !! Étaient-ce ceux d’Hannibal ? Avant d’aller perdre son œil en Étrurie, le général carthaginois avait-il ordonné ici un sacrifice ? Celui de ses éléphants qui ne pouvaient aborder la montagne, les cols, les neiges et les glaces ? »

De très nombreux auteurs ont étudié le passage d’Hannibal dans les Alpes en 218 avant JC. Rapidement nous pouvons examiner leurs différentes propositions sachant qu’aucun d’entre eux ne nous proposent une conclusion indiscutable.

Le Colonel HENNEBERT pose fort bien le problème. Il a fait une étude très documentée sur cette expédition militaire, a repris les textes des quatre historiens de l’époque, POLYBE, STRABON, TITE LIVE et PLINE l’Ancien, pour constater qu’ils ne nous sont pas d’un grand secours : ils font suivre aux carthaginois toutes les vallées alpestres et franchir tous les cols.
Voici tout d’abord ce que notre auteur retient de leurs récits : « Hannibal, après avoir traversé le Rhône, remonte ce fleuve pendant quatre jours sur sa rive gauche, il atteint alors le confluent de ce fleuve et de l’Isère en un endroit nommé l’ILE habité par une population qui n’est point de race allobrogique. Il s’y repose, s’allie avec ce peuple et, conduit par des guides, se dirige vers les montagnes en traversant la Nation des Allobroges. Il met dix jours pour aller de l’Ile à la naissance des montagnes dont il commence l’ascension le onzième. »
L’armée se composerait d’environ cinquante mille hommes, de bêtes de sommes, de chevaux et de 37 éléphants. En raison de la présence de ces pachydermes, Hannibal aurait été contraint de choisir les terrains les moins accidentés et les moins pierreux. Et Hannibal avait à lutter non seulement contre un sol peu carrossable, mais aussi contre les populations guerrières ennemies. En plaine, ses étapes pouvaient être assez longues mais devenir fort courtes dès l’abord des montagnes. Polype nous apprend qu’il mit vingt jours pour se rendre du confluent du Rhône et de l’Isère au sommet des Alpes.
Strabon, que reprendra l’historien BOUCHE, relève que quatre passages conduisaient vers l’Italie : le col de Tende en pays ligure, les cols de la Madeleine, de la croix du Mont-Genèvre et du Mont-Cenis chez les Taurins, le grand et le petit Saint-Bernard chez les Solasses, et le Simplon et le Saint-Gothard chez les Rhoetes. Les différents roitelets de ces états étaient indépendants et le chef carthaginois, avant de quitter l’Espagne, se serait assuré de leur neutralité et de la liberté de passage à travers leurs montagnes.
Le colonel Hennebert note ensuite, que lorsqu’Hannibal quitte les bords du Rhône, seules six routes s’offrent à lui. Celles de l’Aigues qui rejoint le Buech à Serres, celle de la Durance à Gap, celle de la Drôme qui traverse le col de Cabre et rejoint les deux précédentes, celle de l’Isère qui se subdivise en quatre branche par le col de Lus-la-Croix Haute, le col Bayard, le col du Lautaret et celle qui traverse la Maurienne vers le Mont-Cenis.
Il compte selon l’itinéraire entre dix et quatorze étapes pour arriver jusqu’au col. En vingt jours nous dit-il, Hannibal n’a pas pu faire plus de dix étapes, donc deux tracés seulement remplissent ces conditions : celui de Valence au col de la Madeleine et celui de Valence au col du Mont-Genèvre. Si l’on en croit Polybe, Hannibal subit déjà des pertes sensibles en hommes et en animaux, infligées par les Allobroges entre Valence, le col de Cabre et le col de la Madeleine. Il arrive néanmoins aux environs de Gap où il met le camp pendant deux, trois jours, pille la ville, en repart accompagné de guides qui vont le trahir et l’abandonner aux portes de Barcelonnette. À partir de là, le récit de Polybe n’est plus compatible avec le tracé géographique qui aurait fait passer cinquante mille soldats par le col de la Madeleine. L’itinéraire qui cadrerait le mieux avec le terrain est celui qui lui fait franchir le Mont-Genèvre. Il doit livrer combat tout près de Briançon, le remporte, et, victorieux, descend vers les plaines de l’Italie. TITE LIVE nous décrit les Alpes et leurs habitants « l’œil put voir de près les hauteurs des cimes, les glaces se confondant avec le ciel, les cabanes grossières suspendues à la pointe des rochers, les chevaux, le bétail raidi par le froid, les habitants hideux et sauvages, les êtres vivants aussi bien que la nature inanimée, presque entièrement paralysés par les glaces… ». Or nous savons que l’expédition militaire eut lieu au mois d’octobre et que Tite Live n’est jamais venu dans les Alpes. Il voulait sans doute étonner ses lecteurs et magnifier l’image du guerrier qui vainquit tant de périls.
Revenons en détail à ce second itinéraire que le Colonel Hennebert retient comme fort plausible, car il nous ramène à notre dolmen des Auches. Nous repartons de Saint-Bonnet en Champsaur, le Forest-Saint-Julien-Manse, pied du Puy de Manse, Vieux Manse, pied de la colline de la Rochette, la Rochette, Montreviol, la Bâtie-Neuve puis Chorges. Une autre route est possible, laissant le col de Manse, on remonte le torrent d’Ancelle, le col de Moissière, la forêt du Sapet et l’on arrive à Saint-Pancrace, il serait, là, attaqué par des gaulois et aurait sacrifié ses éléphants inaptes à franchir « des gorges à parois verticales, déchirées de failles, crevassées de ravins sombres qu’éclaire en bondissant l’écume des cataractes… vrai décor de drame ». Le récit est trop beau pour être vrai. C’est toutefois le passage par le Mont-Genèvre que tient pour le plus exact l’historien Nicolas CHORIER.
«L’armée se composait d’environ cinquante mille hommes, de chevaux et de trente sept éléphants.
En raison de la présence de ces pachydermes, Hannibal aurait été contraint de choisir les terrains les moins accidentés et les moins pierreux, néfastes aux pattes des éléphants. En plaine ses étapes pouvaient être assez longues mais devenir fort courtes dès l’abord des montagnes POLYPE nous indique qu’il mit vingt jours pour se rendre du confluent de Rhône et de l’Isère au sommet des Alpes ».
« En vingt jours, nous dit-il, Hannibal n’a pas pu faire plus de dix étapes, donc seuls deux tracés remplissent ces conditions, celui de Valence vers le col de la Madeleine et celui de Valence vers le col du Mont Genèvre. D’ailleurs, si l’on en croit POLYBE, Hannibal a déjà subi de lourdes pertes en hommes et en animaux infligées par les Allobroges entre Valence et ces deux cols. Il arrive néanmoins aux environs de Gap où il met le camp pendant deux ou trois jours, pille la ville, en repart accompagné de guides qui vont le trahir et l’abandonner aux portes de Barcelonnette. A partir de là, le récit de Polybe n’est plus compatible avec le tracé géographique qui aurait fait passer cinquante mille hommes par le col de la Madeleine. L’itinéraire qui cadrerait le mieux avec la suite du récit est celui qui lui fait franchir le Mont Genèvre car l’on sait qu’il a livré bataille tout prés de Briançon »
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Situation et représentation du dolmen

Situation et représentation du dolmen

Reconstitution du dolmen

Reconstitution du dolmen

Joseph ROMAN suppose qu’il aurait franchi le Rhône au dessus d’Arles, passé la vallée de la Drôme, puis emprunté le col de Grimone, traversé la Durance et entrepris la montée des Alpes, mais par quel col pour atteindre l’Italie ?
Le Général GUILLAUME pense qu’Hannibal a divisé son armée et a donc transité par plusieurs itinéraires. Ce qui est sûr, c’est que le col franchi était à une altitude élevée, précédé de gorges étroites, d’un parcours difficile et qu’on y avait une belle vue sur la plaine du PO.
Nicolas CHORIER propose qu’Hannibal ait passé la Durance près d’Embrun d’où il serait allé au Mont Genèvre, voici qui nous rapproche de La Bâtie-Neuve.
Georges de MANTEYER préfère faire passer Hannibal par le col de la TRAVERSETTE, cela n’accrédite pas la présence de défenses d’éléphants sur le sol bastidon, comme les hypothèses émises par l’historien MONTANARI, par l’anglais GAVIN DE BOER, par FORTIS d’URBIN et par Nicolas CHORIER.

Ce déplacement d’Hannibal aura fait couler beaucoup d’encre.

A l’heure actuelle le site du dolmen des Auches est envahi par une végétation arbustive ; la commune de la Bâtie-Neuve est disposée à redonner lustre à ce lieu de son histoire, c’est le souhait de ses habitants. Il faudra dégager l’énorme table de pierre de la masse de terre qui bouche l’abri sous lequel reposait le chef et quelques hommes de son armée. Notons enfin que la forme du dolmen bastidon n’est pas originale. Pour ne rester que dans un environnement proche, l’on peut voir à DRAGUIGNAN le dolmen des Fées, qui présente aussi une énorme table de pierre, supportée par d’importants blocs rocheux. On le suppose érigé par des druides, ce qui le rendrait «bien plus jeune» que celui des Auches.
Et le département des Hautes-Alpes détient, entre la Durance et l’Ubaye, à 1200 mètres, le dolmen de Villard, classé en 1900, qui a révélé la présence de 40 individus de tout sexe et tout âge, entourés d’un mobilier que l’on peut voir au Musée de Gap, et qui date du chalcolitique. Le dolmen des Auches, très vraisemblablement, date de a même époque.


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